Le recrutement des profils à haute valeur ajoutée exige un investissement suffisamment large et appliqué. La sélection pour un poste de manager ne peut par conséquent se baser uniquement sur le parcours d’un candidat. Les dimensions suivantes doivent être prises en compte :
- Les interactions sociales avec la direction, les subordonnés, collègues, clients et fournisseurs (qu’on appelle à tort leadership, intelligence sociale, soft skills, etc)
- La performance actuelle d’un candidat
- Le potentiel du candidat pour le poste
On peut toujours apprendre aux managers à mieux exposer et vendre leurs idées et leurs projets, mais on ne peut leur apprendre comment avoir de bonnes idées en termes de qualité. Henry Ford n’a pas suivi de cours de communication mais a eu d’excellente idées d’organisation.
Ces 20 dernières années s’est répandu le postulat selon lequel les dégâts causés par l’absence d’une bonne interaction sociale peuvent être importants. Son développement a pris différentes formes qui ont provoqué l’émergence de nouvelles méthodologies telles que la PLN, le réseautage institutionnalisé, les tests psychomoteurs, l’évaluation des motivations, etc.
On a puisé dans les domaines de la psychologie et la sociologie des tests et des méthodologies qui ont permis d’établir des métiers et des outils tels que le spécialiste en leadership, le coaching, l’outplacement, la PNL. Ces différents acteurs ont donné l’opportunité aux managers de différents niveaux de développer leur capacité de communication, pour en faire des conférenciers extravertis voir même teinté d’une certaine arrogance personnelle. Ils ont permis de diminuer la timidité chez certains, et tout ceci indépendamment de leur position, leur rôle et leur fonction dans l’entreprise. Et ils ont surtout fait la place à une nouvelle forme d’autopromotion: le net fourmille de tout un ensemble de recettes de cuisine de ce qu’il faut et de ce qu’il ne faut pas, qui se veulent toutes plus révolutionnaires et plus pertinentes les unes que les autres. Les 10 points pour incarner le meilleur bagage de leadership et les 5 conseils parfaits pour booster votre entregent s’étalent fièrement sur le défilement de votre écran. Et pourtant, il n’y a même pas besoin d’être un grand chef étoilé pour refuser d’acheter les ingrédients de ce que j’appellerai du « social cooking book ». L’importance populaire donnée à cette dimension est outrageusement excessive et ne doit en aucun cas se généraliser à tous les métiers et toutes les fonctions dans l’entreprise, puisque la réalité a vite fait de rattraper et dissiper ses illusions. C’est qu’une fois sortie de cette spirale de nouvelles à tendance cuisinière et replacée dans son contexte professionnel, le tort que cause cette « BONNE PRATIQUE » est effectivement dommageable à long terme pour les organisations, car elle entre en contradiction directe avec la fonction.
Et c’est effectivement le cas: les compétences sociales du manager constituent un indicateur nettement moins crucial pour son employeur que sa performance actuelle. Aussi, les erreurs commises lors du recrutement en ce qui concerne ce premier élément sont celles qui comportent le moins de risque pour l’organisation. Qui ne connait pas un chef ou un collègue démuni de compétences sociales, traînant des problèmes relationnels, et pourtant parfaitement compétent quand il s’agit d’assumer son rôle dans l’entreprise tout en étant à la fois capable de performances extraordinaires ? Et, à contrario, le bon type que tout le monde aime bien, mais qui se révèle bien incapable à assumer ses tâches et qui a constamment besoin de vous ? Quand il s’agit de qualifier la réussite d’un recrutement, c’est bien la performance effective et la création de valeur qui auront le plus d’importance, comparé au caractère de l’individu. C’est pour cela que nous remettons les compétences sociales à leur juste place, et que nous recentrons votre attention sur le capital de poids qu’est non seulement le savoir-faire du manager, mais aussi son savoir-faire potentiel.
L’illusion d’un idéal : personne n’est aussi parfait et personne n’est aussi mauvais.
Le schéma ci-dessous présente un ensemble de 4 catégories de candidats, mis en perspective dans la portée idéale et réel du recrutement. La situation de recrutement idéale avec un risque minimum correspond aux deux cadrans (1 et 3). Cependant, la réalité du marché du travail déborde les limites de ces deux zones en ce qui concerne les profils à haut valeur ajoutée.
Le risque réellement le plus élevé correspond au recrutement basé uniquement sur la performance actuelle d’un manager, puisqu’il part d’un postulat réducteur tenant sur deux conditions: « Si une personne a un parcours plus ou moins linéaire, et si elle a réussi, elle saura s’adapter à la nouvelle organisation ». La majorité des recrutements se font sur cette certitude qui n’en est pas une. Cette certitude induit une erreur, puisqu’on l’estime moins risqué qu’un manager à haut potentiel mais pauvre en performance. Les risques pris dans ce cas, qu’ils soient financiers, humains ou organisationnels, sont énormes. Car toutes les études le prouvent: la correction d’une erreur managériale coûte cher.
Aussi, le niveau élevé dans la dimension performance passée et actuelle d’un manager ne peut servir qu’à débaucher un manager performant chez le concurrent. Ce type de recrutement tient sur l’attente espérée qu’il puisse reproduire la même performance dans la nouvelle organisation. Cependant, cela implique les coûts de meilleures conditions d’engagement, à savoir les avantages financiers, les conditions cadres et l’environnement, etc. De plus, le succès attendu est lui-même conditionné par un ensemble de paramètres, comme l’accord de non-concurrence et la capacité du manager, l’état du marché de la nouvelle entreprise, parmi d’autres. Ces paramètres involontaires ont pour conséquence que, dans notre monde réel, la rencontre avec des profils apparemment en adéquation parfaite avec un poste, et dont le parcours démontre une performance extraordinaire, peuvent en fait aboutir à des recrutements ratés et extrêmement coûteux pour l’organisation. Cela, plusieurs acteurs du marché l’ont bien compris.
La mode des nouvelles méthodes révolutionnaires 2.0
Il n’y a pas un jour qui passe sans une nouvelle initiative censée distiller et supporter tout l’enjeu financier de ces risques. Des tentatives d’automatisation et de numérisation des profils, très à la mode actuellement, sortent sous de nouvelles formes qui se veulent toutes plus efficaces et au moins d’autant plus salvatrices que le Messie pour le marché de l’emploi, sans pour autant qu’ils aient jamais fait leur preuve. La seule vraie nouvelle est qu’ils sont erronés, et qu’ils demeureront erronés à l’avenir, parce qu’ils n’apportent aucun changement sur le fond. En effet, le simple fait de récolter une masse de données par questionnaire, aussi détaillé soit-il, n’est en fait qu’un filtre de plus sur une masse de candidats supposés parfaits en théorie. Tous les professionnels du recrutement se rejoignent pour confirmer qu’en pratique, ce cas arrive pour des profils non-spécialistes qui n’ont pas de valeur ajoutée, et qui répondent à l’un ou l’autre de ces critères: soit leur secteur est en crise pour en avoir le nombre suffisant, soit les compétences sont faciles à acquérir. Cela n’est pas le cas pour les manager. Un bon manager ne se trouve pas au coin de la rue, et c’est encore moins le cas d’excellent manager qui peut faire la différence pour une entreprise.
Actuellement, il est parfaitement possible d’intégrer le parcours d’un manager à l’aide de nos outils informatisés et l’introduire dans une base de données. Cette base est régie par des algorithmes qui vont nous permettre de sélectionner et éliminer les candidats correspondant au cadrant 3 avec plus au moins de succès. Par contre il est impossible de qualifier ce parcours par algorithme, du simple fait que chaque position managériale est unique. La généralisation de méthodes qui permettraient un tri miraculeux est un élément à risque important pour l’entreprise.
Le cadrant 2 correspond aux managers dont le risque semble être le moins élevé. Toutefois, je relèverai deux points importants :
- Le peu de risque basé sur le recrutement par parcours et histoire professionnelle sans tenir compte de potentialité est uniquement intéressant pour le recrutement de middle management. Le risque de cette méthode augmente drastiquement pour le recrutement des profils plus élevé et des positions de top managers.
- Il demeure toujours un risque au-delà du temps d’essai de 3 mois, puisque celui-ci n’est absolument pas suffisant pour évaluer un manager.
Sur le cadrant 4 vous trouvez des managers éligibles pour un poste dont ils ne sont pas réellement identifiables par un parcours habituelle. Considéré comme risqué par les recruteurs, ces manager sont de plus en plus confondus avec ceux du cadrant 3 et ils reçoivent une réponse négative à leur postulation. Les entreprises capable de les identifier et qui savent gérer le risque pour cette catégorie sont les gagnants dans tous les sens de terme. En effet, financièrement ces managers coûtent moins chers qu’un cadre à débaucher chez la concurrent. Ils s’impliquent plus, ils sont beaucoup plus motivés que les autres, et ils possèdent implicitement ces soft skills constamment exigés et mis en valeur. Enfin, ils sont ouverts d’esprit puisque tournés vers les nouveaux défis et non pas assis sur le trône de leurs réalisations. Tout cela élève leur potentiel de façon concrète et en fait des candidats beaucoup plus intéressants et fiables que ceux du cadran 2.
4 dimensions à mesurer pour diminuer le risque
Je sais vous allez me demander: comment dénicher ces candidats à haut potentiel? Puisqu’on parle des notions très subjectives, à savoir estimation, performance future… Comment les qualifier? Comment diminuer le risque?
En s’aidant du schéma ci-dessus, nous voyons que la logique de la performance individuelle est simple : pour arriver à un bon résultat (3), il faut avoir réussi à initier les bonnes actions (2), basé sur une bonne réflexion (1).
L’estimation de performance, qui permet de déceler des candidats à haut potentiel estimé dans le futur, et le risque inhérent à cette estimation devient mesurable à travers :
- La mesure de capacité d’un manager à traiter l’information de son domaine (priorisation, pertinence, utilité, etc)
- La mesure de la capacité d’analyse et l’utilisation des ressources internes et externes, ainsi que la balance entre les deux
- La mesure de la capacité d’organisation, planification et contrôle des actions
- La mesure de la capacité d’évolution du résultat attendu ou réalisé pour effectuer des mesures correctives en cours de réalisation, basées sur l’établissement des variables quantitatives et qualitatives.
Comment et par qui ?
En tous les cas, pas par une voir 2 personnes. Il existe des entreprises d’assessment spécialisées par métier qui établissent des rapports basé sur des méthodologies éprouvées. Reste à en trouver une qui soit pertinente dans ces analyses-là. En ce qui concerne JobTogether nous avons développé notre propre méthodologie et nous le proposons aux entreprises. La réussite des tests d’aptitude en simulation n’est jamais à 100% sûre. Le risque d’erreur persiste car en situation réelle l’environnement et le manager sont en constant changement dans des conditions particulières.
Toutefois je suis d’avis que toutes ces méthodes ne donnent qu’une vue instantanée et étroite sur un manager. Elles ne couvrent donc pas la totalité des risques. On tombe exactement dans le même travers en faisant l’assertion suivante: « Le manager a réussi une fois en situation d’assessment alors il réussira toujours ».
À mon sens les tests de qualification du manager doivent se faire par au moins 4 experts, voir plus, dans les 4 domaines précités, et au moins sur un mois en interne dans l’entreprise.